La naturalisation comme dépolitisation de la pandémie

Article publié une première fois le 26 avril 2021, republié le 9 août 2021 suite au crash de l’ancien blog Perspectives Printanières.

Plus de 100 000 mort·es pour 5 millions de cas en France, 3 millions pour bientôt 150 millions d’infections dans le monde. Les dégâts humains du coronavirus sont déjà considérables alors que la pandémie semble encore loin de son terme. De toute évidence, la crise en cours est plus-que-sanitaire[1], même si toutes ses implications sociales, économiques et politiques ne sont pas équitablement médiatisées – les petits commerçants « asphyxiés » occupent davantage les studios radios et plateaux télés que la jeune « génération sacrifiée ». Ces dimensions non-sanitaires font parfois presque oublier que depuis 1 an, des gens meurent quotidiennement par centaines à cause d’un virus et de l’insuffisance des mesures politico-sanitaires censées freiner sa propagation. C’est dans ce contexte qu’Eric Dupond-Moretti a déclaré : « c’est la Covid-19 qui est responsable des 100 000 morts [en France], pas l’Etat »[2]. Implicitement, il confirme tout d’abord que l’Etat est quant à lui responsable de la désastreuse gestion des dimensions extra-sanitaires de la crise, qui a gravement accru les inégalités sociales, souvent sans atteindre les (abscons) objectifs économiques escomptés. La gravité de son discours – et de toutes les formes qu’il a pu prendre dernièrement et qu’il prendra encore – réside cependant dans la naturalisation de la pandémie, contre laquelle il serait vain de lutter avec force. Les visées politiques d’une telle analyse sont parfaitement identifiables : l’exécutif espère convaincre qu’il a fait de son mieux pour gérer la crise sanitaire, compte-tenu de toutes les contraintes (sanitaires, mais aussi économiques, sociales et politiques) qui pèsent sur son action. Le procédé de naturalisation d’événements ou de structures sociales vise la neutralisation du débat politique concernant leur émergence[3]. Le caractère écologique évident de la pandémie de coronavirus renforce cette stratégie discursive, à nous de la combattre.

Dérèglements pandémiques

La trajectoire écologique exacte du coronavirus (quel réservoir animal ? quels hôtes intermédiaires ? quelle chaîne de transmission jusqu’aux humain·es ?) fait encore débat chez les spécialistes d’épidémiologie écologique. L’implication humaine semble toutefois évidente, sur le plan écologique comme sanitaire. Les responsabilités humaines dans l’émergence de nouvelles maladies sont en effet parfaitement identifiées par les écologues, à partir d’épisodes épidémiques – qui se multiplient d’ailleurs avec l’aggravation de la crise écologique[4]. Deux processus strictement éco-épidémiologiques entrent d’abord en jeu. Le premier concerne l’émergence de « nouveaux » virus : ceux-ci existent déjà sur la planète, vivant au sein d’espèces « réservoirs » qui ne sont pas en contact prolongé avec les humain·es – c’est en ce sens qu’ils sont « nouveaux » pour nous, donc qu’on les désigne comme « émergents »[5]. Sous le nom désormais relativement connu de « zoonose »[6], le second processus touche au « saut d’espèce », à la circulation d’agents pathogènes entre différentes espèces vivantes, dont les humain·es.  Les chaînes de transmissions peuvent être particulièrement complexes, impliquant plusieurs espèces intermédiaires avant de contaminer la nôtre, compliquant forcément l’identification des trajectoires de contamination des pathogènes. L’aggravation ininterrompue de la crise écologique ne change par la nature de ces deux processus, mais augmente fortement leur fréquence. Connu pour ses impacts écologiques désastreux, l’élevage intensif est également responsable de l’immense majorité des zoonoses vers l’être humain référencées, en raison de conditions sanitaires particulièrement dégradées/dégradantes et d’un contact prolongé entre les animaux infectés et les travailleurs agricoles[7]. Les élevages porcins, bovins et avicoles sont ainsi des exemples tristement célèbres d’hôtes intermédiaires de virus ayant déclenché des pandémies lors des deux derniers siècles. L’émergence de nouveaux pathogènes est également accélérée par la crise écologique globale, d’une double manière. D’une part, les milieux où vivent les espèces animales « réservoirs » de virus qui n’ont pas encore émergé sont de moins en moins des espaces reculés – en raison de l’emprise croissante des activités humaines sur l’espace terrestre. Certains milieux sont tout simplement détruits, poussant les espèces qui les habitaient à migrer ailleurs, les rapprochant, soit directement, soit indirectement par des « hôtes intermédiaires », de populations humaines. Quand les milieux ne sont pas détruits, ce sont les sociétés humaines qui s’en rapprochent, favorisant là-encore les contacts directs ou indirects. Ainsi, le franchissement des « barrières d’espaces » par les humains facilite le passage des « barrières d’espèces » par les pathogènes[8]. D’autre part, la perte de diversité biologique réduit fortement l’amortissement de la circulation des virus : plus le virus doit infecter d’animaux depuis son « réservoir » pour infecter les humain·es, plus il y a des chances qu’il ne passe pas une de ces barrières interspécifiques – car certaines espèces jouent un rôle « tampon »[9]. En clair, moins les espèces vivantes (notamment sauvages) sont nombreuses à l’échelle planétaire, plus les chaînes de contamination potentielles des « réservoirs » aux humain·es sont réduites.

La nature écologique des pandémies fait inévitablement l’objet de discours politiques qui la mettent particulièrement en avant. Celui de Dupond-Moretti n’en est pas directement un, mais il y fait évidemment écho, et s’ancre même dans le même imaginaire nauséabond. Le cadre général de ces raisonnements est (néo-)malthusien : nous étions trop nombreux·ses sur Terre, donc la pandémie aurait simplement « régulé » la population mondiale pour la ramener à l’équilibre[10]. Cet argument se présente souvent sous une forme rationnelle, enrobée d’un propos soi-disant scientifique sur l’écologie des pandémies ou quelque caractéristique virologique et épidémiologique du coronavirus. Cette forme rationnelle n’est toutefois pas la seule que peut prendre le discours malthusien sur la crise sanitaire. Les discours interprétant la pandémie telle une « vengeance de la nature » par rapport à ce que nous (sociétés humaines) lui ferions subir ont déjà été largement analysés[11]. En accordant une agentivité propre à la « nature » dans son ensemble, ceux-ci installent notamment l’idée que la pandémie serait « méritée » pour l’humanité, passant sous silence la différenciation politique et sociale des responsabilités humaines dans la crise écologique[12]. Une réaction fréquente à ces discours fut de les considérer comme proprement éco-fascistes[13] : ce n’est objectivement pas le cas de toutes les métaphores biologisantes qui ont servi à décrire la nature écologique des pandémies[14]. En revanche, elles font bel et bien le lit d’une conception réactionnaire de l’écologie, et plus généralement, une vision du monde fondée sur la lutte humaine pour la survie dans un contexte dangereux de fortes pressions naturelles. Cumulées, toutes les formes de discours (néo)malthusiens de la pandémie actuelle introduisent ainsi, dans l’imaginaire collectif, la possibilité de sa naturalisation.

Une raison malheureuse de certains de ces discours réside peut-être dans la focale strictement écologique de la recherche scientifique (médiatisée) sur l’origine des pandémies. La mise en évidence du rôle d’animaux « sauvages » dans l’écologie des maladies émergentes se transformerait en un discours général sur le rôle (conscient ou non) de la « nature » dans la pandémie en cours. Dans le même temps, de nombreuses analyses sont proposées sur leur « production », insistant justement sur les dimensions sociales et politiques de l’émergence puis de la diffusion de nouvelles maladies[15]. Même si l’écologie des pandémies est au cœur de ce type d’analyses, celui-ci installe parfois l’idée que le phénomène d’émergence de nouveaux virus ne résulte que d’actions humaines, sans considération apparente pour les processus biologiques et écologiques autonomes vis-à-vis des humain·es. Devrait-on donc plutôt parler, comme le fait Andreas Malm pour la catastrophe climatique, de « déclenchement » (ou « changement, dérangement, perturbation, déstabilisation »)[16], plutôt que de pure « production » de l’épidémie ? Sur le plan théorique, cela semble en effet évident, puisque la pandémie n’est pas intégralement d’origine humaine, mais résulte d’un dérèglement anthropique de processus écologiques a priori autonomes vis-à-vis des humain·es. Le même Malm rappelle ainsi que « les chauves-souris ne se sont pas soudain lassées de leurs forêts » de même que « les pangolins ne se sont pas mis eux-mêmes en vente »[17]. La pandémie en cours illustre selon lui la « distinction ontologique indélébile entre humains et non-humains »[18], dont seuls les premiers peuvent avoir conscience pour les prendre en compte dans leurs politiques écologiques. Cette position tranche radicalement avec le débat agitant le champ des humanités environnementales autour des multiples manières de conceptualiser les rapports entre nature et société[19]. Toutefois, la construction d’un discours politique sur la pandémie n’est pas une question logique, ni de cohérence historique. L’enjeu est stratégique : chaque récit environnemental d’une catastrophe offre plus ou moins de prise à tel ou tel discours politique à son sujet.

La naturalisation de la catastrophe

L’histoire comme l’actualité des catastrophes écologiques font l’objet d’intenses débats académiques, dont la dimension politique est incontestable. Certaines publications se concentrent sur le caractère environnemental particulièrement déterminant de ces crises, minimisant largement leur part politique relative à leur déclenchement comme la réaction leur étant opposée. Un auteur à succès comme Jared Diamond polarise ainsi le débat sur l’« histoire de l’Humanité » (alors qu’un tel projet n’a aucun sens scientifique, mais n’est qu’un fantasme politique) en jalonnant celle-ci d’une succession complexe de phénomènes environnementaux[20] et biologiques[21], selon un déterminisme géographique assumé[22]. Ces thèses se retrouvent aujourd’hui dans le « scientisme » certes approximatif mais déterministe de la pensée collapsologique[23], voire chez certain·es écologistes.

En insistant sans équivoque sur la dimension environnementale des catastrophes, ces théories passent sous silence la part politique de la vulnérabilité des sociétés humaines. De nombreux autres travaux plus sérieux l’ont pourtant bien documentée, d’abord en réfutant les thèses effondristes/déterministes – parce qu’ils sont influents dans l’espace public[24], les ouvrages de Jared Diamond ont ainsi fait l’objet de nombreuses réponses scientifiques et politiques[25]. L’étude sociale des catastrophes (environnementales mais aussi industrielles, sanitaires, etc) s’est ainsi constituée, depuis près de 40 ans, en un véritable champ de recherche : celui des disaster studies, dont les ramifications actuelles sont à la fois plurielles et complexes[26]. Le champ n’est ainsi unifié ni épistémologiquement ni politiquement, mais le déterminisme environnemental radical des thèses effondristes n’en fait de toute évidence pas partie[27]. Les travaux plus justes et moins ambitieux vers lesquels se tourner sont alors nombreux, mais permettent tous d’identifier la dimension politique incompressible des catastrophes, notamment environnementales[28]. Il est ainsi possible de la documenter lorsqu’une catastrophe est « produite » par un pouvoir politique comme lorsque sa gestion est particulièrement discriminante – les deux pouvant être évidemment cumulés (et l’étant souvent). La mise en évidence de la fabrique coloniale des grandes famines de la fin du XIXe siècle[29] illustre cruellement dans quelle mesure une catastrophe peut être une « production » politique. Les autres exemples passés sont nombreux et intéressent grandement l’histoire environnementale aujourd’hui[30]. Toutefois, l’étude sociale des catastrophes ne concerne pas que le passé : derrière la gestion raciste des dégâts humains et matériels de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans[31], se cache la seconde dimension politique des désastres environnementaux, soit le « gouvernement des catastrophes »[32]. Désormais dominant à l’échelle mondiale, celui-ci se présente comme une doctrine instrumentale très majoritairement issue des sciences naturelles et légitimée par un « récit » des conséquences sociales de l’événement[33], invisibilisant souvent la part politique de leur « production ». Cette dernière pouvant être (volontairement ou non) dissimulée sur le moment, un recul semble nécessaire pour déterminer la mesure dans laquelle la catastrophe est politique. Les catastrophes n’existent pas seulement au passé, mais l’analyse fine de leur « production » (ou déclenchement ») apparaît tout de même comme un enjeu historique.

Cela rejoint l’enjeu épistémologique concernant la place qu’il faut accorder aux responsabilités humaines (en particulier politiques) et naturelles dans le récit des évènements, notamment catastrophiques, en histoire environnementale[34]. Une multitude d’agencements possibles de ces deux dimensions sont imaginables, générant au moins autant (si ce n’est plus) de récits différents des mêmes évènements. La tendance déterministe évoquée précédemment est une des deux versions absolutistes de cet exercice d’agencement, puisque les responsabilités ne sont pas du tout humaines mais uniquement naturelles. Toutes les possibilités intermédiaires ne sont pas forcément bonnes à suivre, mais aucune méthode absolue (anhistorique et déterritorialisée) ne peut faire ressortir un agencement particulier des responsabilités socio-naturelles d’un événement donné. La difficulté terminologique exprimée précédemment entre « déclenchement » et « production » des catastrophes prend ici tout son sens : les parts respectives de ce qui est social et de ce qui naturel dans les catastrophes environnementales ne sont pas, ne peuvent pas être données à l’avance.  Unique certitude : l’essentiel des catastrophes ne sont ni purement « naturelles », ni purement sociales. Seule une enquête historique pragmatique et sérieuse permettra, a posteriori et au cas par cas, de mettre en évidence les sources sociales et naturelles de la survenue des catastrophes environnementales.

Insister sur la dimension « naturelle » de la catastrophe pandémique permet de passer sous silence la responsabilité gouvernementale de la mauvaise gestion de la crise sanitaire. Cette rhétorique de naturalisation n’a rien d’original, au contraire : elle est fréquemment celle des autorités lorsque leur responsabilité semble engagée dans la « production » de la catastrophe – ce fut par exemple le cas des smog industriels[35]. Dans le cas de la pandémie, l’origine écologique de la catastrophe n’était encore qu’un indice pour les scientifiques qu’elle était déjà politiquement exploitée et extrapolée. Le catastrophisme désigne généralement les stratégies politiques par rapport à une catastrophe annoncée à plus ou moins court terme. L’actuelle stratégie gouvernementale de naturalisation de la pandémie justifie d’en étendre le sens : le catastrophisme recouvre aussi les récits politiques accompagnant la gestion des catastrophes déjà survenues, voire en train de se produire. Car le discours de l’exécutif est bien catastrophiste : maintenant que la pandémie (la catastrophe) est là, la diffusion du virus ne peut que nous échapper (sous-entendu « par nature »). Le virus est donc seul responsable des décès. Cette naturalisation légitime immédiatement la gestion sanitaire désastreuse de la pandémie, en réaction plutôt que par anticipation. Pour renforcer cette idée, plusieurs membres du gouvernement ont martelé dans les médias qu’il était impossible de prédire l’évolution de la maladie dans la population, alimentant l’« empirisme zéro » (soit l’idée selon laquelle la science avance aujourd’hui en terrain complètement inconnu, « où presque tout est à inventer, à trouver »)[36] contre l’expertise des épidémiologistes[37]. Réagir plutôt qu’anticiper va à l’encontre de toutes les doctrines de gestion des risques, pourtant elles aussi peu attentives aux inégalités sociales[38]. Cela relativise gravement l’importance d’une forte action sanitaire pour les prochains mois, tout en excusant les insuffisances manifestes de celle des mois qui viennent de passer. Autrement dit, l’exécutif tente d’installer l’idée qu’il a fait tout ce qu’il pouvait (et fait tout ce qu’il peut) sur le plan sanitaire – alors même que le corps scientifique spécialisé continue de produire des recommandations d’actions qui pourraient réduire les impacts de l’épidémie. Cette relativisation justifie également le primat économique dans l’effort de crise : nous ne pouvons sauver les vies humaines, préservons au moins l’économie afin d’éviter que le virus ne tue la France – comme si un pays était réductible à sa seule économie.

La naturalisation de la pandémie n’est pas le seul pseudo-récit facile naviguant dans l’imaginaire collectif. Un autre relativement courant est celui incriminant la « densité urbaine » qui caractériserait les grandes villes. Il constitue également un récit naturalisant dans la mesure où il prétend que la « surconcentration » démographique dans les grandes villes faciliterait mécaniquement la circulation du virus entre humain·es. Ce serait une pure question logique : plus il y a d’individus présents sur une même surface, plus ils sont proches (autrement dit, plus la densité est forte), plus le pathogène peut circuler. Il serait ainsi impossible de lutter efficacement contre cette proximité consubstantielle aux espaces urbains. Pour ne pas être contaminé·e, voire pour prévenir des pandémies futures, il faudrait ainsi « quitter les grandes villes » pour se mettre au vert à la campagne[39]. Quelle que soit leurs formes et leurs orientations politiques, ces discours anti-urbains sur la pandémie amalgament plusieurs notions distinctes dans celle, très imprécise, de « densité urbaine », qui semble pourtant fondée au premier abord[40].

Plusieurs formes de densité peuvent en effet être mesurées en ville (ou ailleurs) : la densité en personnes, la densité en bâti, la suroccupation des espaces clos (logements ou lieux de travail par exemple). Les trois n’ont évidemment pas le même rôle sur le plan épidémiologique : de hautes densités en personnes et en logements peuvent caractériser des espaces urbains constitués d’autant de logements que d’habitant·es, de sorte qu’aucune habitation n’est suroccupée. Le problème de la « surdensité urbaine » est donc avant tout celui-ci de la suroccupation, résultant elle-même, en matière de logement, du maintien dans la pauvreté d’une partie de la population captive des villes, de leurs infrastructures et de leurs formes d’habitat[41]. De cette façon, l’enjeu réside dans l’« encombrement » des villes, soit les conditions sociales et politiques de leur « densité urbaine », en particulier les raisons de la suroccupation des logements. Les exemples japonais ou sud-coréen sont à ce titre éclairants : Tokyo et Séoul, leurs capitales, sont à peine moins densément peuplées que la ville de Paris (environ 20% moins denses[42]), mais n’ont pas subi la pandémie avec la même virulence. Cette plus faible densité n’y est probablement pas pour grand-chose, contrairement aux stratégies « zéro covid » déployées dans les deux pays. En s’attaquant aux villes dans leur globalité en critiquant de manière imprécise leur « densité » propice à la contamination (voire à la dégradation de l’environnement), les discours anti-urbains manquent l’essentiel : les structures sociales et économiques qui déterminent la production de l’espace urbain – sa forme, sa destination, etc. En ce sens, les villes ne diffèrent des campagnes où l’on nous recommande de se réfugier, puisque tous les espaces humains sont produits par les luttes visant à leur appropriation[43]. Le problème de la supposée inefficacité, pandémique comme écologique, inhérente aux grandes agglomérations se trouve pourtant bien dans les raisons politiques de leur « encombrement », pas dans l’idée/concept même de ville.

Tou·tes dans le même bateau ?

Une autre caractéristique reconnue du catastrophisme réside dans son homogénéisation sociale et politique des impacts attendus de la catastrophe à venir (ou, dans le cas présent, passée voire en train de passer). Ainsi, nous serions « tou·tes dans le même bateau » face à cette catastrophe, également touché·es par celle-ci. Emmanuel Macron a ainsi récemment déclaré que « nous n’oublierons aucun visage, aucun nom » des mort·es du virus. Pourtant, depuis près d’un an, les mort·es qui s’accumulent ne sont que des chiffres dans le débat public. Leurs noms et visages sont littéralement effacés des discours politiques, qui parlent de « seuils » de prise en charge ou de « capacités » hospitalières, sans que ne soit jamais évoqué le fait que les malades sont des personnes, qu’elles ont donc des proches – famille, ami·es voire collègues – qui s’inquiètent pour elles. Contracter la maladie n’est en effet pas la seule manière d’être affecté par la pandémie sur le plan sanitaire. Mais l’affect ne semble pas avoir sa place dans la « politique du nombre de morts » qui constitue la trame du fond du débat public autour de la pandémie et de ses conséquences[44]. Celle-ci a pourtant de très lourdes conséquences proprement affectives parmi la population : des milliers de familles (combien exactement ?[45]) ont été endeuillées sans pouvoir accompagner leurs proches dans les derniers instants de leur vie, alors que la mort est une étape essentielle de la vie sociale des personnes – tant pour celles qui partent que celles qui restent. En définitive, « vivre avec le virus » était un euphémisme pour « accepter qu’il y ait plusieurs centaines de mort·es par jour pendant le reste de la pandémie ». Déjà dramatique, le bilan semble être amené à s’aggraver encore dans les semaines, mois, et peut-être années à venir, sans que le discours du chiffre sur la pandémie que tient l’exécutif n’y inclut le moindre commencement d’une dimension affective.

Comme souvent dans le bloc « réacpublicain », le discours est aussi inutilement universaliste : personne ne serait oublié car la République ne voit pas les différences de classe, de genre et de race entre les gens. En temps normal, la vacuité de ce raisonnement sur ces trois régimes de pouvoir est déjà évidente, mais celui-ci est d’autant plus dangereux durant la pandémie, puisque la mortalité des personnes comme leur vécu de la situation sanitaire sont façonnés par leurs positions sociales dominées. De toute évidence, nous ne sommes en effet pas tou·tes dans le même bateau face à la pandémie.             
En 2020, la surmortalité a augmenté deux fois plus chez les personnes nées à l’étranger (surtout quand elles sont nées en Asie et en Afrique) que chez les personnes nées en France (17% contre 8%)[46], laissant entrevoir que les effets de la pandémie sont racialement différenciés – il faut ici comprendre la race comme une assignation socialement déterminée, fondant un rapport de pouvoir des personnes blanches sur les personnes racisées[47], non comme une caractéristique soi-disant biologique. Ces chiffres ne peuvent être détachés du « syndrome méditerranéen » qui, de façon consciente ou non, structure le rapport des personnels de santé aux patient·es âgé·es ayant immigré en France[48].            
Si les femmes ne sont pas plus touchées par le virus, leur vécu de la situation sanitaire est plus difficile que celui des hommes. Durant le (premier) confinement, l’impact sur l’emploi féminin fut le plus important : elles furent davantage à ne pas continuer de travailler et, parmi celles qui ont continué, leurs conditions de télétravail furent largement dégradées en raison de l’exploitation domestique à laquelle il s’ajoutait au sein du même espace[49]. Dans la continuité du suivi des devoirs en temps normal, les femmes ont également assuré l’essentiel de l’école à la maison, décuplant leur charge mentale[50]. Dans le foyer a alors convergé la double exploitation des femmes, se transformant parfois en coups : les violences sexistes et sexuelles commises par les hommes sur leurs compagnes ont fortement augmenté durant les confinements, voire se sont déclenchées lors de ces périodes[51].             
Dans le contexte pandémique, « l’effet cumulatif des inégalités sociales »[52] ressort alors clairement : les personnes racisées sont largement surreprésentées dans les métiers « essentiels » mais très dévalorisés de la « deuxième ligne »[53], femmes comme hommes mais sur des tâches différenciées[54], cumulant alors précarité économique et exposition accrue au virus. Ces éléments expliquent notamment les différences territoriales en termes de mortalité, notamment en Seine-Saint-Denis, où sont proportionnellement plus nombreux les ménages pauvres et racisés et moins importantes les capacités hospitalières, plus rapidement insuffisantes qu’ailleurs[55]. Que les travailleur·ses de la « deuxième ligne » aient été obligé·es de continuer à travailler n’indique toutefois pas une meilleure situation économique des ménages concernés, qui composent de fait les franges les plus défavorisées de la population. Aux différenciations raciales et genrées de l’exposition au virus ainsi que de vécu de la situation sanitaire s’ajoute une dégradation socialement différenciée des ressources économiques entre les ménages[56]. Les plus défavorisés ont subi beaucoup plus durement la situation sur le plan économique que les plus aisés, d’autant plus lorsque ce sont des ménages avec enfants – car leur présence entraîne une cohabitation domestique permanente lorsque les établissements scolaires sont fermés. Tous convergents, les résultats des premières enquêtes sociologiques sur l’impact des inégalités durant la crise sanitaire n’ont rien d’étonnant, mais le maintien de leur occultation participe au discours catastrophiste de l’exécutif.

D’une façon ou d’une autre, toute la population a forcément senti des changements dans sa vie quotidienne. Sur le plan politique, l’important n’est toutefois pas qu’une situation touche tout le monde, contrairement au discours catastrophiste de naturalisation des désastres, mais que ses impacts ne soient pas homogènes parmi la population. L’homogénéisation de la société en termes de race, genre et classe, même en situation de pandémie aux impacts manifestement différenciés, permet alors aux lectures générationnelles de l’événement de se déployer pleinement. Toutes les générations sont alternativement essentialisées dans une poignée d’activités qui les caractériserait chacune dans leur entièreté : aller à l’école pour les enfants et adolescents, sortir et voir des ami·es pour les jeunes adultes (notamment les étudiant·es), aller au théâtre ou au restaurant pour les adultes d’un âge plus avancé, etc. Les goûts personnels et les différences sociales (d’accès à certaines activités) entrent difficilement en considération dans une telle conception de la société[57]. La lecture générationnelle des impacts extra-sanitaires de la pandémie (ou plutôt, de la gestion publique de la pandémie) n’a aucun fondement sociologique sérieux, mais structure le discours gouvernemental et médiatique de mise en balance des générations dans la crise plus-que-sanitaire.

Elle permet à nouveau à l’exécutif de réagir plutôt qu’anticiper, cette fois à la situation de groupes réussissant à exposer publiquement leur situation difficile, voire critique. Le « chèque psy » ainsi que l’extension du repas CROUS à 1€ pour tou·tes les étudiant·es font suite à leurs mobilisations répétées, ainsi qu’aux images télévisées montrant de longues files d’attente de jeunes gens se rendant aux distributions alimentaires pour se nourrir. Partant précisément de cette situation étudiante absolument catastrophique, plusieurs organisations politiques ou syndicales n’avaient pas hésité à parler de « génération sacrifiée » pour désigner l’ensemble de « la jeunesse ». Ce slogan est récurrent dans les lectures générationnelles de situations ou d’événements aux impacts pourtant différenciés sur le plan social au sein desdites générations. L’emploi de l’idée de « sacrifice » est ici symbolique, et permet de pointer l’oubli des plus jeunes dans la gestion de la crise sanitaire. L’utiliser pour désigner une situation résultant de mesures visant à empêcher la mort (réelle) de nombreuses personnes semble toutefois inapproprié, établissant une équivalence entre la vie biologique des personnes âgées et celle sociale, mise en pause (parfois gravement), des jeunes générations.

Dans le contexte pandémique, le discours de la « génération sacrifiée » accrédite la stratégie de mise en balance des générations. Celle-ci tend à faire oublier qu’en premier lieu, la crise est avant tout sanitaire : le Covid-19 est une maladie, mortelle pour certaines franges de la population. L’objectif d’une gestion sanitaire de la pandémie, aussi mauvaise soit-elle, est de protéger les personnes les plus fragiles – qui furent très majoritairement les plus âgées, au moins jusqu’à l’apparition des variants et le lancement des campagnes de vaccination. S’y conformer ne peut être unilatéralement considéré comme un signe de soumission, malgré le caractère autoritaire des restrictions actuelles, car il s’agit bien d’un acte de solidarité avec celles et ceux qui peuvent littéralement mourir de la maladie. Ces évidences rappelées, le discours de mise en balance, voire d’opposition, des générations semble fondé sur la cruauté : soit les plus âgé·es meurent, soit « nous » (les autres générations) essayons de « vivre avec le virus ». Ainsi, la mise en balance des générations délégitime toute rigueur des mesures sanitaires nécessaires en déclinant l’argument de la vie « gâchée » par le virus pour toutes les générations, sauf la plus âgée. Les mesures sanitaires auxquels sont liés tous les impacts plus-que-sanitaires de la crise actuelle ne peuvent sortir du débat, ni n’être mises en balance avec la « vie normale » au risque d’accréditer la mauvaise gestion gouvernementale de la pandémie, qui nous place abusivement tou·tes dans le même bateau.

Eléments pour une raison sanitaire

Le débat sur le déclenchement ou la production des catastrophes naturelles a un intérêt politique indéniable dans l’absolu, mais pourrait être à relativiser dans le grave contexte pandémique que nous connaissons. La part écologique des politiques sanitaires n’est évidemment pas à négliger[58], mais demande un traitement d’une prudence particulière. Le risque est en effet de minimiser (même involontairement) la nécessité d’un robuste système de santé pour limiter les épisodes d’importants dégâts humains comme ceux de la pandémie en cours[59]. Promouvoir une autre santé, moins verticale, qui prend davantage en compte le point de vue du patient est un impératif politique incontestable[60], mais demande une vraie pédagogie – la perception du conseil scientifique en France[61] indique bien cette nécessité didactique d’en légitimer l’avis vital. Ainsi, il importe peu pour le raisonnement sanitaire qui devrait conditionner sa gestion immédiate de la pandémie que celle-ci ait été strictement « produite » ou « déclenchée » au départ. Ce débat concerne plutôt nos rapports matériels avec l’environnement non-humain, question particulièrement complexe qui fonde déjà d’importants débats scientifiques et politiques – et qui continuera d’en ouvrir de nombreux autres. Tergiverser sur la part humaine ou naturelle des catastrophes environnementales lorsque l’on est au cœur de celles-ci semble plutôt ouvrir la porte à un certain nombre de discours politiquement dangereux instrumentalisant des détails scientifiques de la situation.

Dans la crise actuelle, la puissance publique devrait suivre une série de principes de raison sanitaire : construire une stratégie d’anticipation des évolutions de l’épidémie plutôt que se contenter d’une réaction à celles-ci. Une véritable stratégie « zéro covid » en somme. Un tel cadrage permettrait de prendre en compte le caractère plus-que-sanitaire de la crise : l’objectif premier des mesures est bien sanitaire (sauver des vies) mais celui-ci n’est pas opposé, dans l’urgence de la catastrophe, à ses implications sociales et économiques. De cette façon, l’approche sanitaire de la pandémie n’est plus catastrophiste. Affirmer que la crise est plus-que-sanitaire n’implique pas de hiérarchiser le sanitaire et ses implications, mais plutôt reconnaître ses implications, pour les appréhender d’un même mouvement. Une stratégie politique de raison sanitaire pourrait alors s’appuyer sur plusieurs principes aux implications sociales, politiques et sanitaires considérables.

Un premier principe d’une approche sanitaire raisonnée de la pandémie réside dans la possibilité de reconnaître que l’expertise du conseil scientifique – et plus généralement du corps scientifique spécialisé (qui n’inclut pas que les médecins et épidémiologistes) – est vitale. Cette reconnaissance n’est pas possible en régime catastrophiste, car le virus est considéré comme inévitablement meurtrier, délégitimant le fait de tout faire pour sauver des vies. Le catastrophisme pandémique est ainsi criminel car il alimente l’idée que l’« empirisme zéro » invalide toutes les conclusions scientifiques immédiates en matière infectiologique ou épidémiologique[62].

Second principe : la raison sanitaire n’ancre pas dans la population l’idée d’une mise en balance des générations : les vulnérabilités de chacun·e à l’instant T sont reconnues et appréhendées. L’attention est ainsi portée sur la position sociale des personnes (genre, race, classe mais aussi handicap), plutôt que sur leur seul âge. Ce principe n’est d’ailleurs pas valable qu’en temps de pandémie, puisque la vulnérabilité est une condition continue et non événementielle – dans cette optique, l’auteur de ces lignes vous invite à signer la pétition en cours pour la déconjugalisation de l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH).        
Un troisième principe de raison sanitaire pour gérer la pandémie réside dans la maximisation des capacités hospitalières : celle-ci permet de faire disparaître le tri qu’est obligé de pratiquer le personnel médical lorsqu’il manque de lits. Maximiser les capacités des services de santé permet aussi d’en réduire la surcharge, dont le poids des dispositifs managériaux sur le traitement des patients – la résorption de la nécessité managériale ne permet toutefois pas d’affirmer que les biais racistes du corps médical se réduiront, car ceux-ci ne résultent pas (ou pas seulement) d’une telle gestion des capacités de soin. Plus généralement, une raison sanitaire primant sur le nouveau managérialisme hospitalier redonnerait aux services de santé leur destination publique essentielle.

Le déploiement de moyens exceptionnels permettant d’anticiper la catastrophe constitue un quatrième principe[63] de l’idée de raison sanitaire. L’ouverture des brevets vaccinaux pour les produire en masse, sans dépendre du bon vouloir de groupes industriels mettant en balance leurs intérêts économiques et la santé des populations[64]. Déployer de tels moyens exceptionnels face à la catastrophe, c’est refuser la stratégie catastrophiste d’attente et de réaction face aux impacts variés de la pandémie.

Il n’y aura pas de monde d’après. Quand la pandémie sera terminée, le monde sera la suite de celui qu’il aura été pendant – autrement dit, socialement mortifère et écologiquement désastreux. Les discours sur le « monde d’après » s’appuient sur la reconnaissance du coronavirus comme opérateur politique : sa seule existence serait en elle-même à l’origine de profondes reconfigurations politiques. Le virus en lui-même ne changera rien, c’est un micro-organisme dont l’action n’est pas consciente, mais seulement biologiquement réactive. En revanche, parce qu’elle s’inscrit dans un vaste et complexe système social, la pandémie est quant-à-elle bien un « moment » au sens d’Henri Lefebvre, soit une situation particulière rassemblant des conditions historiques contingentes, propices à des changements politiques[65]. Certains changements déjà perceptibles sont d’une faible intensité politique : peut-être le port du masque sera normalisé en hiver, saison favorisant la diffusion de nombreuses maladies communes. Le « moment » pandémique concerne lui des mutations plus profondes des sociétés contemporaines, comme l’émergence d’une raison sanitaire, qui en serait déjà un résultat important, qu’il faut ensuite rendre « irréversible ». Celle-ci représente en effet un impératif écologique/écologiste à double titre.

D’abord, l’incontestable rôle humain dans l’émergence d’un certain nombre de nouvelles maladies impose de reconsidérer les rapports matériels qu’entretiennent les sociétés humaines à leur environnement. Même s’il est souvent investi de cette manière, l’enjeu n’est pas spirituel, relatif à notre inscription transcendantale dans l’harmonie de la nature. Le traiter de cette manière, que soit sur le plan individuel comme collectif, laisse de côté la question des structures sociales et économiques qui sont les véritables vecteurs de notre rapport matériel avec l’environnement – et alimente, mécaniquement, la naturalisation des catastrophes. Ces structures ne sont pas des entités abstraites, mais des systèmes humains dominés par certains groupes qui peuvent ainsi en déterminer la trajectoire (économique, sociale, culturelle et écologique) et la verrouiller idéologiquement. Ensuite, la crise écologique nécessite une infinité d’arbitrages sur la continuité ou non de toutes les activités humaines, mais la santé ne peut décemment en faire partie. Elle sera nécessairement impactée par d’autres changements profonds dans le reste de la société : implantation géographique des services de santé, outils et matériaux utilisés, effectifs humains dans le secteur, etc. Mais le principe de raison sanitaire ne peut définitivement pas être écarté du projet écologiste.

Déjà fondatrice de stratégies féministes et antiracistes depuis plusieurs décennies[66], la lutte contre la rhétorique réactionnaire de naturalisation – des catastrophes comme des structures sociales – apparaît également comme une nécessité écologiste. La référence morale et politique à la nature est intrinsèquement imprécise, car l’idée de nature est plurielle, pouvant servir plusieurs discours idéologiques divergents, voire ennemis[67]. En clair, la stratégie politique de naturalisation n’est pas fondée sur ce qu’est matériellement la « nature » mais seulement sur une certaine idée que l’on s’en fait en Occident. Elle n’a aucune ambition écologiste ni même écologique sérieuse. La « nature » est seulement convoquée pour légitimer un ordre social, sans possibilité de le remettre en cause. Construire l’écologie politique sans l’idée de nature ouvre ainsi de nombreux débats aussi bien théoriques que stratégiques, dont la lutte contre la rhétorique de naturalisation ne doit pas faire partie.


[1] Décrire la crise comme « plus-que-sanitaire » permet de rappeler qu’en premier lieu, celle-ci est sanitaire, mais qu’elle ne peut être politiquement évaluée sous ce seul prisme, car les mesures prises pour des raisons sanitaires ont des implications sociales, économiques et culturelles considérables. Affirmer que la crise est plus-que-sanitaire s’apparente ainsi à un refus de dissocier le social et l’économique du sanitaire.

[2] Voir Eric Dupond-Moretti dans les Grandes Gueules le 15 avril 2021.

[3] Lorraine Daston, Against Nature, MIT Press, 2019, 96 p.

[4] Serge Morand, Muriel Figuié (coord.), Émergence de maladies infectieuses. Risques et enjeux de société, ÉditionsQuae, 2016, 136 p.

[5] Jacques Barnouin et Ivan Sache (coord.), Les maladies émergentes. Épidémiologie chez le végétal, l’animal et l’homme, Éditions Quae, 2010, 446 p.

[6] Gwenaël Vourc’h et al., Les zoonoses : ces maladies qui nous lient aux animaux, Éditions Quae, 2021, 172 p.

[7] Gil Bartholeyns, Le Hantement du monde. Zoonoses et Pathocène, Éditions Dehors, 2021, 117 p.

[8] Ibid.

[9] Felicia Keesing et al., « Impacts of biodiversity on the emergence and transmission of infectious diseases », Nature, n°468, 2010, p. 647–652.

[10] Philippe Rahm, « Coronavirus ou le retour à la normale », AOC, 2020.

[11] Sébastien Dutreuil, “La nature reprend ses droits”: Le coronavirus est-il vraiment la vengeance de Gaïa ?, 2020.

[12] twoinou, « Le virus n’est pas une vengeance », Perspectives Printanières, 2020.

[13] Jay Fraser, « Eco-fascism: The Rhetoric of the Virus – Theory And Analysis », ORGANISE!, 2020.

[14] Marc Hudson, « Beware far-right arguments disguised as environmentalism », The Conversation, 2020.

[15] twoinou, « L’épidémie n’a pas de vertus », Perspectives Printanières, 2020.

[16] Andreas Malm, The Progress of this Storm : Nature and Society in a Warming World, Verso, 2017, p. 73. Morgan Jouvenet propose une autre traduction dans sa recension de l’ouvrage pour la revue Zilsel : en français, triggered devient « provoqué » plutôt que « déclenché » (ou déclenchement).

[17] Andreas Malm, La chauve-souris et le capital. Stratégies pour l’urgence chronique, La fabrique, 2020, 248 p.

[18] Malm s’oppose radicalement aux thèses « hybridistes » (qui ne distinguent plus nature et société) qu’il fait toutes remonter, malgré leur diversité, à Bruno Latour. Voir son ouvrage dédié à cette question, The Progress of this Storm, op. cit.

[19] Robert S. Emmett et David E. Nye, The Environmental Humanities : A Critical Introduction, MIT Press, 2017, 236 p.

[20] Jared Diamond, Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard, 2006, 664 p.

[21] Jared Diamond, De l’inégalité parmi les sociétés : essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire, Gallimard, 2000, 484 p.

[22]http://www.jareddiamond.org/Jared_Diamond/Geographic_determinism.html

[23] twoinou, « La collapsologie ou la critique scientiste du capitalisme », Perspectives Printanières, 2019.

[24] Le 2 juillet 2018, Edouard Philippe, alors encore premier ministre, citait Effondrement de Jared Diamond dans un live sur Facebook avec Nicolas Hulot.

[25] Des chercheur-ses ont apporté des réponses scientifiques aux thèses de Jared Diamond, voir par exemple : Patricia McAnany et Norman Yoffee (dir.), Questioning collapse. Human resilience, ecological vulnerability, and the aftermath of empire, Cambridge University Press, 2010, 374 p. Des critiques politiques ont également été développées : Daniel Tanuro, « L’inquiétante pensée du mentor écologiste de M. Sarkozy », Le monde diplomatique, décembre 2007.

[26] Sandrine Revet, « Penser et affronter les désastres : un panorama des recherches en sciences sociales et des politiques internationales », Critique internationale, vol. 52, n°3, 2011, p. 157-173.

[27] Gaëlle Clavandier, « Un retour de la catastrophe sur la scène scientifique ? Enjeux et débats », Communications, vol. 96, n°1, 2015, p. 93-105.

[28] Lydie Cabane et Sandrine Revet, « La cause des catastrophes. Concurrences scientifiques et actions politiques dans un monde transnational », Politix, vol.  111, n°3, 2015, p. 47-67.

[29] Mike Davis, Génocides tropicaux. Catastrophes naturelles et famines coloniales (1870-1900). Aux origines du sous-développement, La Découverte, 2003, 479 p.

[30] Fabien Locher et Grégory Quenet, « L’histoire environnementale : origines, enjeux et perspectives d’un nouveau chantier », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 56, n°4, 2009, p. 7-38.

[31] Mike Davis, « A la Nouvelle-Orléans, un capitalisme de catastrophe », Le monde diplomatique, octobre 2005.

[32] Sandrine Revet et Julien Langumier (dir.), Le gouvernement des catastrophes, Karthala, 2013, 286 p.

[33] Sandrine Revet, « Compter et raconter les catastrophes », Communications, vol. 96, n°1, 2015, p. 81-92.

[34] William Cronon, « A Place for Stories: Nature, History, and Narrative », The Journal of American History, vol. 78, n°4, 1992, p. 1347-1376.

[35] Alexis Zimmer, « “Le brouillard mortel de la vallée de la Meuse” (décembre 1930). Naturalisation de la catastrophe », p. 115-131, in Michel Letté et Thomas Le Roux, Débordements industriels : Environnement, territoire et conflit (XVIIIe-XXIe siècle), Presses universitaires de Rennes, 2013, 401 p.

[36] Lorrain Daston, « Ground-Zero Empiricism », Critical Inquiry, 10 avril 2020.

[37] Entretien avec l’épidémiologiste Catherine Hill dans l’émission « À l’air libre » de Mediapart du 25 mars 2021.

[38] Antoine Chollet et Romain Felli, « Le catastrophisme écologique contre la démocratie », VertigO – La revue électronique en sciences de l’environnement, vol. 15, n°2, 2015.

[39] C’est ce que défend notamment Guillaume Faburel, Pour en finir avec les grandes villes. Manifeste pour une société écologique post-urbaine, Le passager clandestin, 2020, 176 p.

[40] Elle ne désigne en réalité rien de plus que la définition de la ville elle-même, soit un rapprochement géographique significatif d’un nombre important de personnes – développant ensuite des institutions et une culture propres.

[41] Clémence Petit et al., « Le surpeuplement, une forme de mal-logement toujours prégnante et socialement discriminante », Recherche sociale, vol. 224, n°4, 2017, p. 5-134.

[42] Les périmètres administratifs des villes étant très variables d’un pays à l’autre, la comparaison proposée ici a surtout comme utilité de montrer la facilité avec laquelle est mobilisée la « densité urbaine » pour expliquer la diffusion du virus, même en l’absence de données empiriques.

[43] Henri Lefebvre, La production de l’espace, Anthropos, 1974, 487 p.

[44] Emmanuel Didier, « Politique du nombre de morts », AOC, 16 avril 2020.

[45] C’est la question posée dans l’émission « À l’air libre » de Mediapart du 14 avril 2021.

[46] Sylvain Papon et Isabelle Robert-Bobée, « Décès en 2020 : hausse plus forte pour les personnes nées à l’étranger que pour celles nées en France, surtout en mars-avril », INSEE Focus, n°231, 2021.

[47] Sarah Mazouz, Race, Anamosa, 2020, 96 p.

[48]  Valérie Wolff, « La rencontre entre le soignant et le patient âgé immigré. Un éclairage sur trois chocs culturels usuels », Vie sociale, vol. 16, n°4, 2016, p. 161-176.

[49] Anne Lambert et al., « Le travail et ses aménagements : ce que la pandémie de covid-19 a changé pour les Français »Population & Sociétés, vol. 579, no. 7, 2020,pp. 1-4.

[50] Mathilde Vinceneux, « “Il ne sait pas ce que c’est que de gérer les enfants à la maison” : avec le Covid-19, la charge mentale pèse plus lourd sur les femmes », France Info, 11 mars 2021.

[51] Sondage Ifop pour Solidarités Femmes, Enquête auprès des femmes victimes de violences conjugales durant le confinement, novembre 2020, 38 p.

[52] Nathalie Bajos et al., « Les inégalités sociales au temps du COVID-19 », Questions de santé publique, numéro spécial (n°40), 2020, 12 p.

[53] Fanny Gallot et al., « L’intersectionnalité au travail »Travail, genre et sociétés, vol. 44, n°2, 2020, p. 25-30.

[54] Pauline Seiller et Rachel Silvera, « Sales boulots », Travail, genre et sociétés, vol. 43, n°1, 2020, p. 25-30. Article introduisant un dossier très complet sur les « sales boulots ».

[55] Solène Brun et Patrick Simon, « L’invisibilité des minorités dans les chiffres du Coronavirus : le détour par la Seine-Saint-Denis », De facto, n°19, 2020.

[56] Pauline Givord et al., « Confinement : des conséquences économiques inégales selon les ménages », INSEE Première, n°1822, 2020, 4 p.

[57] Camille Peugny et Cécile Van de Velde, « Repenser les inégalités entre générations », Revue française de sociologie, vol. 54, n°4, 2013, p. 641-662.

[58] Jean Paul Gaudillière et al., Pandémopolitique. Réinventer la santé en commun, La Découverte, 2021, 306 p.

[59] Entretien avec Thierry Thévenin et Lilian Ceballos par Antoine Chopot, « Les médecines terrestres face au coronavirus », Terrestres, n°16, 2020.

[60] Voir la vidéo Un autre soin est possible de la chaîne YouTube Les dessous de la santé.

[61]  Émilien Schultz et Jeremy K. Ward, « Public perceptions of scientific advice: toward a science savvy public culture ? », Public Health, vol. 194, 2021, p. 86-88.

[62] Une gestion de la pandémie réellement fondée sur les recommandations du conseil scientifique aurait été objectivement meilleure sur le plan sanitaire que celle subordonnée aux décisions d’un président de la République s’improvisant épidémiologiste. D’autres pays ont suivi ces recommandations épidémiologiques, mais leur « meilleure » gestion de la crise plus-que-sanitaire, faiblement démocratique, n’en fait pas des situations politiquement satisfaisantes pour autant.

[63] Ces 4 principes de raison sanitaire ne sont pas exhaustifs de toutes les formes que celle-ci pourrait prendre, car ils émanent du raisonnement du seul auteur de ces lignes.

[64] Frédéric Pierru et al., « Les brevets, obstacle aux vaccins pour tous », Le monde diplomatique, mars 2021.

[65] Rémi Hess, Henri Lefebvre et la pensée du possible. Théorie des moments et construction de la personne, Anthropos, 2009, 708 p.

[66] Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature, Éditions iXe, 2016 (1992), 240 p.

[67] Lorraine Daston, Against Nature, MIT Press, 2019, 96 p.

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